Séroux est donc un artiste pluriel, à l'identité multiple qui entretient une conversation infinie avec ses différents hétéronymes.
A partir de cette conscience de sa diversité existentielle, il constitue un collectif qui lui permet de visualiser et produire une variété d'évocations de vécus intimes.
Un hétéronyme est un pseudonyme qui développe une vie en tant qu'entité distincte avec une sensibilité propre.
Chaque hétéronyme développe sa propre technique, son style, ses idées, ses élans, sa façon de faire et de percevoir.
l'État adulte
l'État enfant
l'État parent
représente la mémoire collective par sa collection de photographies trouvées
Max Ghabor par exemple a collectionné des traces de vies intimes et sensuelles hors normes.
Séroux a choisi de nommer ses hétéronymes en fonctions de ses différents "États du ""Moi":
- État enfant
- État adulte
- État parent
Définis par le psychiatre Éric Bernstein, fondateur de l'analyse transactionnelle dans les années 1960, ils permettent de mieux comprendre la diversité de nos rapports au monde, aux autres et à soi.
L'écrivain portugais (1888 - 1935) est un auteur multiple. Ses hétéronymes notables sont :
Alberto Caeiro, poète de la nature. Ricardo Reis, classique & stoïcien. Álvaro de Campos, moderne & futuriste.
Bernardo Soares, auteur "assistant".
Né Roman Kacew à Vilnius, il arrive en France à 14 ans. Il fut Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat, Émile Ajar, Romain Gary, Lucien Brulard, René Deville... Il aura deux fois le prix Goncourt sans que personne ne s'en aperçoive.
"Je me suis toujours été un autre"
Sa peinture relève d'une pensée organisée. La représentation se structure de façon figurative, rationnelle, attachée à la perspective. Elle transmet des émotions en évitant les réactions impulsives de l'État enfant qui lui est pris en compte par son alter égal David Realh. Une sorte de mélancolie peut faire penser à une sorte de vide, qui nous tournerait le dos, à l'éloquence du silence.
Plus que le « savoir-penser » rationnel des philosophes, ce sont les divagations, les enfantillages, les rêves, les extases et les vertiges, le « sans y penser », qui fondent les découvertes de David Realh.
Il traduit les désirs, peurs, joies, souffrances, impulsions et souvenirs authentiques et spontanés. Il se nourrit de réactions émotionnelles, en réponse aux stimuli extérieurs perçus comme des provocations.
Ses dessins suggèrent un artiste vivant chaque trait, chaque ligne comme un moyen pour vivre ses obsessions par un sens spatial aigu. Surtout dans les scènes complexe, cela fait basculer et plier les arrières plans trash d'où les figures se précipitent vers nous...
Qui cache son fou meurt sans voix.
Henry Michaux
Le processus créateur peut être décrit comme une psychose passagère, obligatoire. Que l'artiste soit « fou » n'est donc pas un hasard : c'est une nécessité. Le plus souvent, il ne restera pas dans l'état de folie ; il ne fera qu'y passer ; parfois il s'attarde. Mais sa norme d'artiste exige toujours qu'il traverse une syncope essentielle, un véritable affaissement de l'esprit, d'où sortira le neuf. Mieux : de ce chaos seul le nouveau peut émerger. Cette éclipse qui fracture la conscience est la condition même de l'acte créateur.
Anton Ehrenzweig - L'Ordre caché de l'art
Comment arrêter de me poser des questions ?
Le "talmudiste" de l'équipe se manifeste sous forme typographique. Il explore les attitudes, croyances, valeurs, normes, critiques, bienveillances qu'il a héritées et assimilées par son éducation au sens large en posant des questions.
Des questions, Alex Svi s'en pose. Il les dépose, les repose, les transpose aussi. Depuis Maurice Blanchot, et L’Entretien infini (1969), nous savons que "La réponse est le malheur de la question.
À force de poser des questions, on finit généralement par s'imaginer qu'on entend des réponses : grand problème ici des « voix » qui parlent dans le silence et qui n'ont jamais manqué d'auditeurs.
Clément Rosset - Le réel, traité de l'idiotie.
La première caractéristique du Talmud est cette diffluence constante du texte, cette pratique systématique du coq-à-l'âne, l'impression d'un parfait décousu.
Gérard Haddad
Zorah Somexki présente des mémoires historiques et intimes par ses photographies trouvées, anonymes. Celles-ci interviennent telles qu'elles dans les œuvres, et sont parfois reprises graphiquement.
Une œuvre n'est parfois issue d'aucune intention si sa qualité est là, évidente. Elle ouvre à chacun des portes que nous sommes parfois les seuls à voir.
Elle contient près de 2000 tirages d'époque.
Pour un projet particulier, une recherche imprévue, Séroux s'offre un nouvel hétéronyme afin de rencontrer une circonstance particulière.
Lors d'une conversation en 2015 avec une philosophe féministe de ses amies, celle-ci explique combien la sexualité sans enjeu c'est à dire le partage libre de plaisirs entre adultes désirants, reste une "illusion" pour la plupart les femmes.
En d'autres termes, de son point de vue, le rapport au corps reste un territoire de séduction, de commerce symbolique et d'échanges interessés avec l'autre, un moyen visant le plus souvent à tout autre chose que l'épanouissement d'un plaisir féminin authentique.
Surpris par cette affirmation et défendant le contraire, avec l'aide de l'écrivaine Elisa Brune, Séroux rencontre alors un gigolo qui tarifie ses talents pour des femmes aspirants à une relation "sans enjeu" justement. Le paradoxe veut que la liberté d'être - pour ses clientes - soit plus vaste que dans leur sexualité conjugale ou relationnelle par exemple.
Fort de ce partage d'expérience, sous le nom de Max Ghabor
l'artiste va publier une annonce sur internet afin de rencontrer des personnes intéressées par la question. Il va les écouter, puis documenter par la photographie et mettre en scène l'expression libre parce qu'anonymes de désirs féminins totalement authentiques et créatifs.
- L'annonce était explicite.
- Le travail artistique aussi.
- Chacune des personnes rencontrées et qui ont apprécié la démarche à autoriser un droit à l'image à la condition de rester anonyme.
Un même protocole fut mis en place chaque fois d'un commun accord : le désir du jour était toujours exprimé au préalable par la partenaire en fonction de l'humeur du moment.
Sa mise en scène se faisait de façon commune. Tout étant libre et gratuit, rien n'était feint. Débriefing ensuite ensemble et récidives et variations selon l'humeur du moment.
Ce travail a très vite rencontré sa question. C'est l'esprit qui comptait et le partage d'expérience avec celles qui se sont offertes une échappée belle particulière, un temps. L'essentiel dans leur vie était évidemment ailleurs même si cette exploration a souvent compté.
Une collection de photographies numériques s'est développée au fil du temps. Comme la collection de photos trouvées de Zorah Somexki, celle-ci constitue une œuvre en soi.
Des éléments se retrouvent notamment dans un hommage à Félicien Rops avec lequel Séroux entretient un relation quasi fraternelle.
Au 19ème siècle, cette profession de foi de Félicien Rops, il la déclinera toute sa vie. Il est né à Namur en Belgique le 7 juillet 1833. Ami de Baudelaire qu'il va illustrer ses recueils.
L' œuvre de Rops et son mode de vie reflètent l'indépendance d'esprit et de création qui caractérisait sont art et sa vie. Libre penseur et franc-maçon, il reste aujourd'hui encore l’un des hommes plus créatif, libre, sulfureux et provocateur aux yeux du grand public, et déterminant pour l'histoire de l'art occidental.
Arthur Rimbaud, son quasi contemporain est né 21 ans après Rops. Lui sera abandonné par ses amis après la publication du "bateau ivre", sous prétexte de mauvais goût.
Il prendra le contre-pied en inventant sans le vouloir le concept de "MAUVAIS GENRE". Nous y sommes.
Pour aller plus loin, voir la page
« Tous les hommes ont un désir naturel de savoir ».
Aristote le dit dès la première phrase de sa Métaphysique.
La libido, le désir de connaître est la base de notre curiosité naturelle.
Pour le philosophe, le désir d’apprendre est naturel et commence par le simple fait de tourner les yeux pour s’intéresser à ce qui se passe.
J’entends un rire, je perçois un attroupement, je veux savoir.
Mais d'évidence, la recherche scientifique n’a pas pour seule source le projet de connaissance rationnelle pas plus que la recherche artistique n'a que pour objet la trouvaille de nouvelles formes d'expression :
Art et Science ont partie liées avec une Histoire de désirs et de sentiments.
La libido sciendi, c'est le désir de connaître.
La libido sentiendi, c'est le désir érotique, relationnel.
Le lien entre désir de connaître - la libido sciendi - et désir érotique - la libido sentiendi - devient explicite à partir de la Renaissance et joue un rôle crucial dans le déploiement des sciences modernes et des arts contemporains.
Or que l'on soit savant ou artiste, les relations entre ces êtres désirants par nature, et d'autres hommes ou femmes de son entourage, ne cesse d'évoluer dans tous les domaines de la création.
Ce sont ces différentes formes de désir qui sont au cœur de ce qui se joue ici, au delà du vouloir connaître du scientifique et du vouloir trouver de l'artiste au travail.
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