retour à la page de recherche d'œuvres par mots-clés
2001
Bruxelles
Je m'installe dans un nouvel atelier entièrement dédié à la peinture.
À cette époque, je me rendais fréquemment dans un entrepôt de Bruxelles où, plusieurs fois par semaine, des objets ménagers de toutes sortes étaient déposés dans des maisons en cours de vidange. Meubles, vaisselle, décorations de toutes sortes. Un endroit merveilleux où l'on pouvait tomber sur des trésors merveilleux et leur donner une seconde vie.
Un soir de février, je suis interloqué par une gravure encadrée dans l'un des cartons. Je me souviens avoir reconnu, sans savoir pourquoi, quelque chose comme le regard de Victorine Meurent dans le tableau "Le déjeuner sur l'herbe" de Manet. Sans hésiter, j'attrape le cadre, je règle la note à la caisse et je me dépêche de rentrer chez moi pour l'examiner de plus près à la loupe.
Assise au milieu du panneau, tournée vers la droite, vue presque de dos, une femme croise les jambes, le visage tourné vers le spectateur. Les deux bras croisés sur ses seins, elle tente de dissimuler sa nudité à l'aide d'un voile qu'un des hommes, placé derrière elle, essaie d'enlever. De sa main gauche, le second homme, à droite de la gravure, incite la femme à lâcher prise. L'arrière-plan à droite représente une paroi moulée.
Deux lignes en bas : Lectissima Virgini Annae Roemer Visschers, illustri Batauia sijderi, multarum Artium peritissima, Poetices vero studio supra sexum celebri, rarum hoc Pudicitiae exemplar Petrus Paulus Rubenus L. M. D. D. En bas à gauche : P. P. Rubens pinxit A droite : Lucas Vorsterman sculp et en bas : et excud A" 1620.
Enfin, sous la dédicace, en une seule ligne : Cum priuileaijs, Régis Christianissimi, Principum Belgarum & Ordinum Batauia.
Cette pièce est une "Suzanne et les vieillards" de Rubens, une des meilleures gravures de Vorsterman, datée de 1620.
Une pure merveille !
Quelques années plus tard, Jean-Pierre De Rycke, conservateur du Musée des Beaux-Arts de Tournai (créé par Victor Horta, figure emblématique du mouvement Art Nouveau en Belgique), me permet de monter une exposition. La collection de ce magnifique musée contient deux Manet particuliers : "Argenteuil", un tableau impressionniste réalisé en 1874 et "Chez le père Lathuille", 1879, peint peu de temps avant sa mort.
Le titre de l'exposition :
"De la coupe aux lèvres, ou du désir d'indiscrétions".
de Manet à Séroux
Intuitivement, j'ajoute la gravure de Rubens à l'expo,
afin de mettre l'accent sur le regard dans l'œuvre de Manet.
Les tableaux d'Edouard Manet du Musée des Beaux-Arts de Tournai ont un point commun : ils invitent le spectateur à assister au désir de rencontre entre une femme et un homme. Les deux tableaux la montrent un peu à l'écart tandis qu'il s'approche d'elle de biais. En vue de cette exposition, j'étudie l'idée de l'attraction provoquée par le regard et je réalise plusieurs tableaux pour cette exposition.
Je me rends en Australie, plus précisément à Hobart, en Tasmanie, où je visite le MONA, qui abrite la collection de David Walsh - et plus particulièrement l'exposition "Théâtre du monde" organisée par le conservateur français Jean-Hubert Martin.
Ce même voyage fait naître en moi l'envie de me rendre en Argentine et de visiter les centres d'art locaux. En préparant ce voyage, je découvre que la collection du musée des Beaux-Arts de Buenos Aires comprend un tableau de Manet, la "Nymphe surprise".
Suzanne Leenhoff est née le 29 octobre 1829 à Zaltbommel, une petite ville du centre des Pays-Bas. Elle est la fille aînée de Carolus Antonius Leenhoff (1807-1878) et de Martina Ilcken (1807-1876). Son père était carillonneur, organiste et professeur de musique. Elle est l'aînée de sept enfants. La légende veut que Franz Liszt, lors d'un voyage en Hollande, l'ait entendue jouer du piano et l'ait encouragée à poursuivre ses études musicales à Paris. Ce n'est qu'une hypothèse, et il est beaucoup plus probable qu'elle soit allée vivre à Paris chez sa grand-mère, près de la maison de Manet. En tout cas, elle s'y installe en 1847, sa mère et quatre de ses frères et sœurs la suivant plus tard.
Suzanne joue très bien du piano et est engagée par la famille Manet vers 1849 pour donner des leçons de piano aux frères Manet : Edouard âgé de 18 ans et Eugène âgé de 17 ans.
Je suis devant Sausanne au musée des beaux-arts de Buenos Aires.
On suppose que Suzanne a eu une liaison avec Edouard Manet ainsi qu'avec son père, Auguste. Cette situation permet de s'interroger sur la paternité de son fils Léon Köella Leenhoff, né en 1852, qui sera toujours présenté comme son petit frère et le neveu de Manet.
Cette situation est assez courante dans la bourgeoisie parisienne du XIXe siècle.
siècle. Plus tard, Edouard et Suzanne vivront ensemble discrètement à l'insu d'Auguste Manet. Ils se marient le 2 octobre 1863, un an après la mort du père de Manet.
Le couple, ainsi que Léon, retournent vivre chez la mère d'Edouard.
Naturelle, Suzanne entretient de bonnes relations avec sa belle-mère, pour laquelle elle joue du piano les mardis soirs pour divertir les invités.
Edouard Manet a une vie sociale extrêmement riche, à laquelle Suzanne ne participe pas. Elle est faite de ses infidélités répétées.
Edouard Manet l'a utilisée comme modèle avant leur mariage, notamment pour la "Nymphe surprise" et, selon certaines sources, pour "Le déjeuner sur l'herbe", substituant son visage à celui de Victorine Meurent.
Par la suite, on la retrouve dûment vêtue dans des décors bourgeois, confortablement installée sur un canapé ou à son piano. Le dernier portrait de Suzanne, "Madame Manet à Bellevue", date de l'été 1880, moins de trois ans avant la mort des peintres.
La présence des frères de Suzanne dans de nombreux tableaux témoigne des bonnes relations entre Manet et sa belle-famille.
Ferdinand, peintre et sculpteur, est représenté dans "Le déjeuner sur l'herbe" en 1862 et Rodolphe, le cadet, à Argenteuil en 1874, en canotier.
Dans son testament, Manet désigne Suzanne comme son héritière et, après elle, Léon Leenhoff.
Manet avait souhaité que son œuvre ne soit pas dispersée, mais Suzanne et Léon n'ont pas hésité à "retoucher" certaines de ses toiles pour en obtenir un prix plus élevé. Ayant hérité des revenus de son mari, on peut supposer que Suzanne a toujours vécu dans l'aisance.
Elle meurt à l'âge de 75 ans en 1906 et est enterrée dans la tombe de son mari au cimetière de Passy, où reposent également Berthe Morisot et Eugène Manet.
C'est son frère Ferdinand qui a réalisé le buste sur la tombe du peintre.
2015, je me rends au Svalbard pour une éclipse solaire totale du 20 mars
A Oslo, j'ai vu cela par hasard.